Brosser le portrait complet d’un écosystème aussi évolutif que celui du sport électronique est tout un défi. J’aimerais ainsi remercier toutes les personnes qui m’ont aidé à rassembler les données brutes (Savard, 2021a) qui ont servi à l’élaboration de cet article. Ensuite, avant de commencer la lecture de cet article, je souhaiterais vous partager quelques choix éditoriaux que j’ai dû faire :
- Structure du contenu. Rapidement, en dressant la liste des différents acteurs du Québec, j’ai été confronté à un problème de classification. Même si cela ne rend pas justice à toutes les activités qu’une organisation peut faire, j’ai décidé de les classer dans la catégorie où leurs activités principales étaient. Les grandes catégories de l’écosystème et de la scène du sport électronique qui est utilisé dans cet article sont : jeu vidéo, développeurs & éditeurs, joueurs, franchises & équipes, tournois & ligues, opérateurs, fédération & régulateurs, éducation & santé, médias, fans, marques & investisseurs (Savard, 2021b). Les listes sont classées en ordre alphabétique.
- Exhaustivité du contenu. Pour alléger le texte, j’ai pris la décision de ne pas concentrer mes efforts à identifier l’entièreté des acteurs d’une catégorie, mais plutôt de m’assurer d’une bonne représentativité. Cette décision se reflète particulièrement, mais pas uniquement, au niveau des équipes et des joueurs amateurs à semi-professionnel.
« Jeux vidéo » et « Développeurs & éditeurs »
Depuis plusieurs années déjà, Montréal est reconnu internationalement comme un hub majeur du jeu vidéo (Bay, 2015; Kawanabe, 2021; Totilo, 2021; Tyler, 2021). En ajoutant les studios présents dans les autres villes de la province telle la ville de Québec, Sherbrooke et Saguenay (Gamedevmap, 2021), près d’un emploi sur deux dans l’industrie du jeu vidéo au Canada provient du Québec (La Guilde, 2021). Bien que la grande majorité des jeux développés au Québec ne soit pas nécessairement axée sur un aspect compétitif (Games From Québec, 2021), il existe des titres bien connus qui le sont. Par exemple, Tom Clancy’s Rainbow Six: Siege est fait à Montréal (Ubisoft Montréal, 2015), le Remastered de Call of Duty: Modern Warfare 2 a été fait à Québec (Beenox, 2020), Motive Studios a travaillé sur Starwars Battlefront II (DICE, Criterion Games et Motive Studios, 2017), etc.
« Joueurs »
Plusieurs Québécois et Québécoises se sont démarqués à travers les années sur la scène compétitive internationale (e.g. Grrrr…, RamboRay, missharvey, Ally, etc.). Il est difficile de dresser une liste complète des joueurs et des joueuses provenant du Québec parce qu’ils sont généralement uniquement identifiés en tant que Canadiens, qu’ils jouent sous le couvert d’un pseudonyme, et que leurs médias sociaux internationaux sont souvent en anglais.
Voici une liste limitée à seulement une vingtaine de personnes que nous avons réussi à identifier et qui compétitionnent sur les scènes professionnelles et semi-professionnelles de leurs jeux respectifs :
Avec environ 57% de la population québécoise qui jouent à des jeux vidéo de manière générale (ESA, 2020), le Québec regorge de talents. Par expérience, si nous avions accès au lieu d’origine des joueurs dans tous les classements de jeux vidéo compétitifs, nous y trouverions énormément de Québécois.
« Franchises & équipes »
Actuellement au Québec, il existe trois équipes civiles ayant les ressources nécessaires pour engager du personnel, offrir un certain salaire à leurs joueurs professionnels, et compétitionner dans un circuit de sport électronique. Des trois, Mirage Esports est la seule qui soit 100% sport électronique. Les deux autres, les Canadiens de Montréal et le CF Montréal, sont là de facto parce qu’elles sont des équipes professionnelles de sports traditionnels qui ont chacune une relative petite branche esports.
Ensuite, il faut aller dans le secteur étudiant, en particulier au niveau des Cégeps et des centres de formations professionnelles, pour trouver le prochain palier d’organisation offrant de l’encadrement, un salaire à une grande partie de son personnel, et les ressources nécessaires pour compétitionner dans un circuit dédié. Sur les 48 Cégeps existant au Québec, au minimum 34 ont des programmes de sport électronique (LCSE, 2021).
Au niveau semi-professionnel et amateur, il existe de nombreuses organisations civiles. Voici quelques exemples : Able Esports, Ducky Esports, Flanc Gauche, PsykoPaths Gaming, Quebec Meta (en changement de nom), Régiment Tactique du Québec, Unexpected Victory, Valors, Vexo, Victorem, Virtual et Windstorm. La qualité des organisations, tant au niveau de leurs ressources que de leur professionnalisme, est très disparate. Toutes les scènes confondus, il existe quelques centaines d’équipes québécoises qui se créent et se dissolvent chaque année. Bien que la majorité représente uniquement un groupe d’amis voulant uniquement participer à un tournoi en particulier, certaines ont quand même des rêves de grandeur.
Mentions spéciales à nos talents qui travaillent actuellement pour des équipes professionnelles à travers le monde :
« Tournois & ligues »
Partout à travers la planète, la pandémie a fait mal à l’industrie de l’événementiel en présentiel. Le sport électronique ne s’en est pas sauvé. Le Six Invitational, qui est l’événement culminant de tout le réseau de compétitions du jeu Tom Clancy’s Rainbow Six: Siege, a été déplacé à l’extérieur du Québec en raison des mesures sanitaires, mais il est prévu qu’il revienne. Le DreamHack Montréal, qui avait frappé l’imaginaire en ayant lieu au stade olympique, ne reviendra probablement pas de sitôt (DreamHack Canada, 2021).
Avec l’absence du DreamHack, le Lan ETS redevient par défaut le plus grand LAN au Canada, et ce même si les administrateurs ont annoncé son retour à École de technologie supérieure (Lan ETS, 2022). Ensuite, il existe de nombreux LANs à travers la province qui ont commencé à revenir, au qui vont vraisemblement revenir : Console qui Console, Lan JDL, Grand LAN de Drummond, Polybash, Wonderlan UQAC, etc. Plusieurs tournois sont organisés dans des lieux physiques spécialisés, mais nous allons en discuter dans la section « fans ».
En ligne, il existe des tournois et des ligues amateurs qui pourraient être comparés aux ligues de garages dans les sports traditionnelles : King of the Spike (Team Able), Mamago Esports, MSI Dragon Cup, les événements de RLQC, SLQ, R6QC, etc.
Il existe aussi des événements dans le milieu étudiant, notamment avec la Ligue secondaire de sports électroniques (LSSE) et la Ligue collégiale de sports électroniques (LCSE). Des événements amicaux sont aussi organisés par des associations étudiantes universitaires.
« Opérateurs »
Dans bien des cas, les organisateurs des événements mentionnés jusqu’à maintenant pourraient aussi être considérés comme des opérateurs. QcTourna est l’un des seuls acteurs qui se définit comme étant d’abord et avant tout une plateforme québécoise qui offre des événements récurrents. La plateforme eDoxa devrait revenir cette année.
Au niveau de la création d’événements pour un tiers parti, Waveform et veeZion sont parmi les plus grosses compagnies actuellement qui se spécialisent en sport électronique.
Northern Arena, fondé par Carl-Edwin Michel, est basé à Toronto, mais une grande partie de leur équipe est québécoise.
« Fédération & régulateurs »
Avec la Fédération québécoise de sports électroniques (FQSE) qui a été créée en 2016, nous sommes l’une des rares places dans le monde ayant une entité fédératrice axée sur le développement de l’écosystème local et amateur. Par exemple, elle promeut une charte de l’esprit esportif, un code d’éthique et un code de sécurité. Elle offre aussi, en autres, des accréditations pour les organisations et les ligues, ainsi que des certifications pour les arbitres et les entraîneurs. Elle est directement responsable des développements dans le milieu étudiant, dans la défense des athlètes exclus des compétitions internationales, en plus d’agir comme contrepoids majeur auprès des institutions gouvernementales, communautaires et d’éducation vis-à-vis les discours alarmistes et anti jeux vidéo véhiculés par plusieurs groupes de pression.
« Éducation & santé »
Au niveau de l’éducation, le Québec est l’un des pionniers mondiaux grâce aux concentrations en sports électroniques qui ont été développées à travers la province. Par exemple, lorsque les voyages étaient plus faciles entre les pays, il n’était pas rare que l’Académie Esports du Canada (AEC) accueille des délégations internationales venant chercher leur expertise. Halternative Esports, mis sur pied par Patrick Pigeon, collabore d’ailleurs avec plusieurs pays (e.g. Panana, Liban, Cameroun) pour les aider à développer leurs propres programmes. Bien sûr, il est important de mentionner de plusieurs programmes (e.g. Arvida et Matane) continuent encore aujourd’hui à développer leur région respective.
Un premier microprogramme en sport électronique, que j’ai d’ailleurs aidé à monter, est disponible présentement à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). J’ai déjà donné des cours sur le sport électronique à l’UQAM et à l’UQAT dans leur programme en lien avec les jeux vidéo. Sinon, il existe aussi de nombreuses recherches scientifiques (exemples) en cours présentement à différents niveaux sur les sports électroniques.
Au niveau de la santé, Fondation des Gardiens virtuels (FGV) est un organisme de bienfaisance canadien enregistré que j’ai fondé et dont la mission est d’être une balise sur Internet pour les personnes en détresse ainsi que de promouvoir l’utilisation responsable du numérique. Nous travaillons principalement sur divers types de préventions, allant de la cyberdépendance au suicide. Spécifiquement aux sports électroniques, nous collaborons avec plusieurs établissements pour optimiser les entraînements des joueurs et promouvoir les saines habitudes de vie.
Il existe aussi présentement des services spécialisés selon les besoins de l’athlète. Le Gamer Mentor est un bon exemple de service de coaching et Perform+ est un bon exemple de plateforme pour des programmes d’entraînements physiques spécialisés pour le sport électronique. De plus en plus de professionnels de la santé (e.g. Alexandre Savard I.O.) sont des personnes qui ont été fortement impliquées dans la scène du esports au Québec, et qui sont dorénavant sur le marché du travail. Ils peuvent donc offrir facilement des services spécialisés à la réalité des joueurs.
« Médias »
Trois médias traditionnels ont une certaine couverture de sujets esportifs : Pèse sur Starts, Radio-Canada Techno, RDS Jeux vidéo.
Jeux.ca est un média spécialisé en jeux vidéo qui fait quelques articles par année sur le sport électronique.
Naomi Kyle, originaire de Sainte-Agathe-des-Monts (QC), est collaboratrice et propriétaire partiel de Toronto Defiant (Kyle, 2020). Mention spéciale aussi à Philippe-Olivier Crépin qui est le responsable de la programmation de Twitch Rivals.
Voici une nouveauté de 2022, Able Esports a lancé un podcast hebdomadaire traitant de l’actualité québécoise. Le projet se nomme « La Cut-Scene QC », et voici l’épisode 3 :
La communauté Rocket League Québec a aussi lancé un podcast spécialisé.
« Fans »
Évidemment, il est extrêmement difficile de chiffrer le nombre exact d’amateurs de compétitions de jeux vidéo au Québec. Considérant que la culture vidéoludique prend de plus en plus d’ampleur au Québec et que les événements en présentiels étaient remplis avant la pandémie, nous pouvons assumer que le chiffre est assez élevé. Pour ce qui a trait aux services et aux projets en lien avec les fans, ils sont nombreux et variés : la plateforme Mise-o-jeu de Loto-Québec offre des paris sportifs sur divers événements de sports électroniques; des auteurs s’inspirent du esports pour leurs romans (e.g. Laporte, 2016; Villeneuve, 2016; Provencher, 2021); des communautés organisent des activités sociales; des artistes participent à des costumades et font des illustrations « fanmade »; plusieurs personnes vont diffuser du contenu en ligne; etc.
Il existe aussi de nombreux lieux à travers la province où les adeptes de jeux vidéo peuvent se rencontrer. Alors que certains ont fermé définitivement pendant la pandémie, voici ceux qui ont rouvert en février, ou qui planifie réouvrir : Arcade Montréal, Coin Game Over, Esports Central, Gam1ng Cafe, Meltdown Montréal, Montreal Gaming Centre, Nemesis Video Game Lounge, Sauvegarde et Skyzo,.
« Marques & Investisseurs »
De manière endémique, les marques et les investisseurs étaient généralement liés aux ordinateurs et à leurs divers périphériques. Aujourd’hui, dresser la liste complète des compagnies qui investissent d’une manière ou d’une autre au Québec serait fastidieux parce qu’il en a beaucoup et à plusieurs niveaux.
Voici néanmoins quelques partenariats et commandites que j’ai personnellement trouvés intéressants au niveau du symbolisme : Under Armor avec Mirage Esports, Bud Light avec Able Esports, Guru avec plusieurs équipes québécoises, Desjardins et Georges St-Pierre avec l’Académie Esports du Canada, Bell avec plusieurs événements, Banque Scotia et Coca-Cola avec les initiatives esports des Canadiens de Montréal, les Canadiens de Montréal avec OverActive Media, Parro Info avec le LAN JDL, puis D-Box et Red Bull avec Esports Central.
Sources
Bay, J. W. (2015) Best Cities for Video Game Development Jobs, Game Industry career guide, https://www.gameindustrycareerguide.com/best-cities-for-video-game-development-jobs/
DreamHack Canada (2021). Publication Facebook, https://www.facebook.com/DreamhackCanada/photos/a.1286815788000609/5294751650540316/ (mis en ligne le 10 décembre 2021)
ESA (2020). Entertainment Software Association of Canada – Real Canadian Gamer, https://theesa.ca/wp-content/uploads/2020/11/RCGEF_en.pdf (mis en ligne en novembre 2020)
Gamedevmap (2021). https://www.gamedevmap.com/index.php (mis à jour le 19 octobre 2021).
Games From Québec (2021). https://www.gamesfromquebec.com/fr/
Kawanabe, A. (2021) Montreal, the North American Capital of Video Game Development: The Valuable Connections That Fostered its Growth, Wired, Traduit par Alexe Frederic Migneault, https://wired.jp/2021/02/11/montreal-video-game-ecosystem-en/ (mis en ligne le 11 février 2021).
Kyle, N. (2020). Publication Twitter, https://twitter.com/naomikyle/status/1235672231570595846 (mis en ligne le 5 mars 2020).
La Guilde (2021). L’industrie québécoise des jeux vidéo : Une force présente et montante, Les Affaires, https://www.lesaffaires.com/dossiers-partenaires/le-quebec-pole-mondial-du-jeu-video/lindustrie-quebecoise-des-jeux-video–une-force-presente-et-montante/625004 (mis en ligne le 18 mai 2021).
Lan ETS (2022). Publication Twitter, https://twitter.com/Lan_ETS/status/1494431461918732289 (mis en ligne le 17 février 2022).
Laporte, D. (2016). Esports Geek Life, Autoédition.
LCSE (2021) Ligue collégiale de sports électroniques, https://lcse.esportsquebec.ca/
Provencher, J. (2021). E-sports Chronocraft, Éditions Scarab.
Savard, F. (2021a). Préparation d’un article sur le sport électronique au Québec, https://leonin.ca/2021/11/10/preparation-dun-article-sur-le-sport-electronique-au-quebec/ (mis en ligne le 10 nov 2021).
Savard, F. (2021b). Qu’est-ce qui compose l’écosystème et la scène du sport électronique?, https://savard.work/2021/12/25/quest-ce-qui-compose-lecosysteme-et-la-scene-du-sport-electronique/ (mis en ligne le 25 décembre 2021).
Totilo, S. (2021) Montreal is becoming an even bigger game development hub, Axios, https://www.axios.com/montreal-is-becoming-an-even-bigger-game-development-hub-688a46c7-5c07-48f9-9d77-cf5e6201e37c.html (mis en ligne le 27 avril 2021).
Tyler, D. (2021). Video Game Developers, These Are the Cities To Look For Job Opportunities & Career Growth, Game designing, https://www.gamedesigning.org/career/cities/ (mis à jour le 24 juin 2021)
Villeneuve, P-Y. (2016) Gamer Nouveau port #01, Éditions les Malins.
Autres ressources consultées
Montreal International (2017). Montréal World-Class Tech Hub 2017, https://www.youtube.com/watch?v=PCXfD7oUFgI (mis en ligne le 29 mai 2017)
Poljicak, V. (2018). Greater Montréal – 5th video game hub in the world, Montréal International, https://www.montrealinternational.com/en/news/greater-montreal-5th-video-game-hub-in-the-world/ (mis en ligne le 8 mars 2018)